On continue nos petites fiches de révision. Avec le désir, surement le sujet le plus important en philosophie. Oui, car on définit souvent le désir comme l’essence de l’Homme.
Ne pas maitriser la notion du désir est un danger, quelque soit la série de Bac qu’on se destine à passer. D’ailleurs c’est ce sujet qui tombe le plus souvent avec celui de l’inconscient, le bonheur ou encore la liberté.
Interroger le désir:
Le langage confond souvent le désir et le besoin ou la volonté. Je désire réaliser ceci. Le désir c’est un manque réel, un manque vital et non le besoin qui est beaucoup plus de l’ordre du naturel. On a besoin de manger, cela répond à un besoin de la nature, tout comme les animaux ont besoin d’une chose pour vivre.
La volonté c’est un pouvoir positif, une décision qui est en général d’ordre décisionnelle et positif, alors que le désir est souvent en contradiction, il se place sur un aspect de notre condition et souvent jugé fâcheux, pourtant source de notre grandeur.
La démesure du désir :
Le mot désir vient du latin desiderare : regretter l’absence de quelqu’un ou de quelque chose. Il est donc commun de confondre ou d’assimiler le désir au manque. Il faut donc distinguer le besoin du désir, qui bien souvent se classe pour le pire ou le meilleur. Le désir est quelque chose qui motive les hommes à aller au delà de leur compétence ou même de la raison. « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion » (Hegel).
Le désir a toujours faim, il ne s’éteint jamais, s’il s’éteint ce n’était qu’un besoin. En général lorsque l’on a atteint l’objet de ses désirs nous allons trouver un autre objet. Socrate compare dans le Gorgias l’homme aux Danaïdes, condamnées à remplir un tonneau percé jusqu’à la fin des temps.
Désir et reconnaissance
Le désir peut être considéré comme l’essence de l’homme en tant que puissance d’affirmation et de création (Spinoza, Ethique, 3). Le désir est « négatif », car beaucoup d’homme pour répondre à leur désir vont enfreindre la moral, le désir peut-être agressif, voire destructeur, lorsqu’il rencontre des obstacles. L’autre, ou le désir de l’autre, sera le plus souvent cet obstacle. Il est utile de se souvenir dans cet optique du concept de la dualité et triade développée par Sartre dans Huis-Clos « L’enfer c’est les autres ». L’autre qui nous est différent, ne peut et ne pourra jamais nous offrir ce que l’on désire.
La dialectique du maître et de l’esclave , selon Hegel explique que tout homme recherche la confirmation de sa valeur en tentant d’imposer son point de vue à l’autre. Et cette lutte pour la reconnaissance peut aller jusqu’au conflit violent. « Toute conscience, écrit-il, poursuit la mort de l’autre ». Le vainqueur est le maître, le vaincu, l’esclave.
Y a-t-il une dimension positive au désir ?
Le désir est souvent condamné par les anciens. « Quant au désir, pour le moment, renonces-y totalement : car si tu désires l’une des choses qui ne dépendent pas de nous, tu ne seras pas heureux, c’est inévitable » Epictète, Manuel .
Selon Descartes et de Spinoza , les modernes ont davantage insisté sur la positivité du désir. Désirer, bien sûr, c’est prendre des risques. Mais si nos passions, qui sont les formes exacerbées de nos désirs, peuvent être dangereuses car elles nous exposent aux frustrations et au chagrin, elles ont en même temps notre force et nous honorent. Que vaudrait la vie sans le désir ? Pour Niezsche, il ne faut pas renoncer à nos désirs. Il faut tenter de les embellir, de les magnifier, ou encore de les « sublimer ».
Le rapport entre désir et temps
Le désir s’inscrit dans le temps, on attend, plus l’on attend et plus le désir tente de s’imposer. La réalisation d’un désir signifie la mort du désir ou bien le changement de l’objet du désir en un autre. L’assouvir, c’est l’anéantir. Durant la période d’attente le désir ne cesse de se nourrir de lui-même, du travail que l’imagination produit.
En ce sens, le désir est le produit d’une construction mentale dans lequel le sujet désirant imagine, idéalise et sublime l’objet et se projette. Durant la période d’attente, le sujet éprouve du plaisir à désirer, c’est-à-dire à construire son désir et entre dans un jeu paradoxal durant le moment d’attente, désirant à la fois que le temps d’attente se termine par la réalisation du désir et différant ce moment pour prolonger le plaisir de désirer.
On peut observer que le désir s’inscrit dans la force et la faiblesse : force car il est une impulsion qui nous pousse à agir, faiblesse parce qu’il est synonyme de manque et d’un jeu paradoxal avec le temps. La réalisation d’un désir conduit-elle à la satisfaction ou à la désillusion ? Ce que le réel offre peut-il répondre de ce que l’imagination a produit ?
Soumettre les désirs au travail de la raison pour cesser de souffrir
Faut-il chercher à maitriser ses désirs?
Si le désir est insatiable, s’il est destructeur, il nous fait plus de mal que de bien. La sagesse antique demandait à ce que l’homme sache maitriser ses désirs. Cette morale stoïcienne demande que l’homme sache ce qui est bon et mauvais pour lui mais aussi pour les autres.
Le plaisir chez Epicure : une lutte contre l’addiction
Epicure ne condamne pas le plaisir. Bien au contraire, il explique que la vie consiste à rechercher le plaisir et à éviter la souffrance. L’épicurisme est qualifié d’hédonisme : doctrine qui fait du plaisir le bien suprême et de la douleur le mal absolu. Epicure rappelle que le mal est lié à la sensation et que la sensation est subjective et relative mais elle reste vraie et effective pour celui qui la ressent. En conséquence de quoi, ce n’est pas le plaisir qui est à condamner mais la dépendance au plaisir qui nous rendrait esclaves de nos désirs au point de sombrer dans la démesure et dans l’excès. Pour éprouver du plaisir sans être dépendant de ses désirs, il est donc nécessaire de les maîtriser. Et cette maîtrise passe par la soumission des désirs au travail de la raison. On peut parler d’addiction, lorsque le désir et le plaisir nous rendent esclave.
Pour illustrer ceci, Epicure rappelle la raison pour laquelle l’homme cherche à satisfaire le plus de désirs possibles : l’homme a peur de la mort. Or, avoir peur de la mort est absurde : en effet, on ne peut connaitre ce dont on ne peut faire l’expérience. Or, tant que la mort n’est pas là, je suis encore là, quand elle arrive, je ne suis plus. Donc, penser la mort est absurde, la craindre l’est tout autant. La peur de la mort est irrationnelle. Par voie de conséquence, la satisfaction de tous les désirs par la crainte de la mort est absurde. Cette peur de la mort étant évacuée, la quête du plaisir illimitée n’a plus lieu d’être.
Cette rationalité permet de penser les désirs, de les trier et de les hiérarchiser :
Epicure dénombre trois types de désirs :
- désirs naturels et nécessaires (boire, manger, dormir)
- désirs naturels et non nécessaires (sexe)
- désirs non naturels et non nécessaires (richesse, gloire…)
« Naturel » : ce que la nature me commande.
« Nécessaire » : ce qui ne peut pas ne pas être.
Les désirs non naturels et non nécessaires sont des désirs vains, inutiles. L’homme est par nature un corps, s’il ne satisfait pas les désirs naturels et nécessaires, il meurt.
Désirs naturels mais non nécessaires : le corps le demande mais ils ne sont pas vitaux.
Non aturels et non nécessaires : le corps ne le demande pas, ils sont inutiles.
Ainsi, pour éprouver du plaisir sans dépendance et sans manque, il semble nécessaire de ne satisfaire que les désirs naturels et de les satisfaire de façon raisonnable (ni trop ni trop peu). Le plaisir n’est donc pas dans la quantité mais dans la qualité. Cette maîtrise des désirs permet ainsi d’atteindre la sérénité, c’est ce qu’Epicure appelle l’ataraxie : absence de trouble du corps et de l’esprit.
En conclusion
Le désir est un affect. C’est-à-dire un élément qui trouble l’être humain, d’un point de vue corporel ou psychique. Plus précisément, le désir est un affect lié à la possession d’un bien. Celui qui désire souhaite posséder quelque chose, et cette chose désirée est pensée comme un bien. Pensez à celui qui veut le dernier gadget technologique à la mode. Il veut avoir ce gadget (iPad, Playstation, etc.). Et il considère la chose comme un bien : un élément positif, désirable.
On caractérise le désir par les aspects suivants :
- irrationalité
- insatiabilité
- intensité
- source de trouble
- dimension psychologique
Le désir est ressenti par un sujet humain désirant et est orienté vers un objet désiré. Une analyse minimale du désir distingue donc :
- le désir
- le sujet désirant
- l’objet désiré
Une réflexion sur “Philo : Le désir”